Fragilité artistique et défense d’une autonomie illusoire de l’art 

Une relecture des réactions des artistes établi.e.s aux manifestations contre SLĀV et Kanata

Par Edith Brunette
Texte paru dans la revue Arborescences, nº 11, Université de Toronto
Décembre 2021
EXTRAIT

«Les débats sur l’appropriation culturelle et le racisme systémique qui secouent le milieu des arts sont souvent lus en termes de relations ethnoculturelles, entre un groupe dominant et des communautés marginalisées, spoliées de leur histoire et de leur identité. Nous défendons l’idée qu’il existe un axe de division tout aussi important dans la compréhension de ces débats, cette fois entre un milieu des arts et le reste de la société. Selon cette perspective, on trouverait d’un côté une sphère artistique et, de l’autre, une sphère politique toujours à risque de l’envahir. C’est la perspective à la base de la notion moderne d’autonomie de l’art. Contre les théories qui ont donné pour morte cette notion, nous défendrons au contraire que celle-ci est très vivante, et qu’elle porte les discours défensifs d’une partie du milieu des arts lorsque celui-ci fait face aux discussions sur l’appropriation culturelle et la sous-représentation de groupes ethnoculturels. Nous avancerons que ces discours fonctionnent en masquant la présence pourtant réelle du politique au sein de la sphère artistique, selon une ligne de défense que nous nommerons «fragilité artistique» – en écho à la fragilité blanche de Robin DiAngelo. Nous baserons notre analyse sur les discours qui se sont déployés au Québec, en 2018, autour des manifestations contre les pièces de Robert Lepage SLĀV et Kanata