Comme elle scintille! Montréal fantasmagorique de Josianne Poirier

Par Edith Brunette
Texte publié dans la revue Spirale, nº285
Hiver 2024
EXTRAIT


En 2017, on inaugurait l’installation lumineuse Connexions vivantes, qui, depuis, orne la structure du pont Jacques-Cartier. Fruit d’un financement public de 39,5 millions de dollars, cette chorégraphie scintillente de la firme Moment Factory entend faire d’un agencement d’ampoules de cou-leur obéissant à un dispositif algorithmique le reflet de l’humeur des Montréalais·es. Or, si Connexions vivantes pouvait capter l’humeur du milieu artistique à son endroit, elle nous offrirait sans doute une chorégraphie plus sombre. La perspective souvent critique des artistes à l’égard de la fascination pour le design techno-lumineux pourrait passer pour une ombre jalouse : on a déjà souligné que les subventions accordées à la « culture numérique » nourrissaient davantage les firmes de design et les technicien·ne·s que les artistes. L’essai de Josianne Poirier traduit cependant en mots (et parfois en chiffres) un malaise à l’égard des politiques de mise en lumière des villes dont les causes sont bien plus complexes. Faudrait-il les trouver dans la tendance des décideur·euse·s politiques à diluer l’art dans le terme fourre-tout de « créativité » ? Dans le déplacement opéré par ces politiques dites « culturelles » — qu’on aurait pu croire destinées à soutenir l’art vers des projets divertissants et photogéniques ? Dans leur tendance à instrumentaliser la culture à des fins économiques, sociosanitaires et politiquement anesthésiantes ? Dans un phénomène connexe de restriction des usages de la rue à un éventail policé d’activités, et à une frange choisie de la population ? Ou, comme le propose l’autrice de l’essai, dans tout cela à la fois ?
En 2017, on inaugurait l’installation lumineuse Connexions vivantes, qui, depuis, orne la structure du pont Jacques-Cartier. Fruit d’un financement public de 39,5 millions de dollars, cette chorégraphie scintillente de la firme Moment Factory entend faire d’un agencement d’ampoules de cou-leur obéissant à un dispositif algorithmique le reflet de l’humeur des Montréalais·es. Or, si Connexions vivantes pouvait capter l’humeur du milieu artistique à son endroit, elle nous offrirait sans doute une chorégraphie plus sombre. La perspective souvent critique des artistes à l’égard de la fascination pour le design techno-lumineux pourrait passer pour une ombre jalouse : on a déjà souligné que les subventions accordées à la « culture numérique » nourrissaient davantage les firmes de design et les technicien·ne·s que les artistes. L’essai de Josianne Poirier traduit cependant en mots (et parfois en chiffres) un malaise à l’égard des politiques de mise en lumière des villes dont les causes sont bien plus complexes. Faudrait-il les trouver dans la tendance des décideur·euse·s politiques à diluer l’art dans le terme fourre-tout de « créativité » ? Dans le déplacement opéré par ces politiques dites « culturelles » — qu’on aurait pu croire destinées à soutenir l’art vers des projets divertissants et photogéniques ? Dans leur tendance à instrumentaliser la culture à des fins économiques, sociosanitaires et politiquement anesthésiantes ? Dans un phénomène connexe de restriction des usages de la rue à un éventail policé d’activités, et à une frange choisie de la population ? Ou, comme le propose l’autrice de l’essai, dans tout cela à la fois ? En 2017, on inaugurait l’installation lumineuse Connexions vivantes, qui, depuis, orne la structure du pont Jacques-Cartier. Fruit d’un financement public de 39,5 millions de dollars, cette chorégraphie scintillente de la firme Moment Factory entend faire d’un agencement d’ampoules de cou-leur obéissant à un dispositif algorithmique le reflet de l’humeur des Montréalais·es. Or, si Connexions vivantes pouvait capter l’humeur du milieu artistique à son endroit, elle nous offrirait sans doute une chorégraphie plus sombre. La perspective souvent critique des artistes à l’égard de la fascination pour le design techno-lumineux pourrait passer pour une ombre jalouse : on a déjà souligné que les subventions accordées à la « culture numérique » nourrissaient davantage les firmes de design et les technicien·ne·s que les artistes. L’essai de Josianne Poirier traduit cependant en mots (et parfois en chiffres) un malaise à l’égard des politiques de mise en lumière des villes dont les causes sont bien plus complexes. Faudrait-il les trouver dans la tendance des décideur·euse·s politiques à diluer l’art dans le terme fourre-tout de « créativité » ? Dans le déplacement opéré par ces politiques dites « culturelles » — qu’on aurait pu croire destinées à soutenir l’art vers des projets divertissants et photogéniques ? Dans leur tendance à instrumentaliser la culture à des fins économiques, sociosanitaires et politiquement anesthésiantes ? Dans un phénomène connexe de restriction des usages de la rue à un éventail policé d’activités, et à une frange choisie de la population ? Ou, comme le propose l’autrice de l’essai, dans tout cela à la fois ?


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