Prendre soin des paroles effacées

Par Edith Brunette
Texte publié dans la revue Liberté, nº 332
Automne 2021
EXTRAIT

«Les tenant·es de la conception anale de l’espace public reprochent deux choses aux militant·es. Premièrement, de détourner l’espace public de sa fonction habituelle, c’est-à-dire de rompre la division magique opérée par la pensée libérale entre diverses sphères d’activités (privée et publique, juridique et politique, etc.). Ce serait la faute commise par [Julie] Snyder et [Pénélope] McQuade, qui ont rompu la division entre le privé et le public en racontant, dans l’espace médiatique, une histoire soi-disant “personnelle” et qui ne serait autorisée à devenir publique qu’en entrant dans le circuit étanche de la police et des tribunaux. Deuxièmement, de chercher à “se faire justice soi-même” ou plutôt, selon notre analyse, de contester la négation du droit de certains êtres humains à être reconnus comme sujets à part entière, les institutions donnant peu de poids à leur parole. En réalité, ces deux reproches en sont un seul et même: celui de remodeler la cartographie libérale, d’en repousser les barrières, pour forcer l’accès à des espaces qui ont été historiquement pensés et réglementés au profit d’une minorité.»