L’évitement comme politique de gestion des débats au Conseil des arts du Canada

Le cas de l’appropriation culturelle et du racisme systémique

Par Edith Brunette
Article paru dans la revue
Éthique publique,
vol. 22, nº 1
2020
EXTRAIT

«Le milieu des arts canadien a été secoué par des débats sur l’appropriation culturelle et le racisme systémique – débats dont la polarisation, de même que le caractère souvent acerbe et individualisé des critiques, tendent à provoquer un retrait des discussions hors de la sphère publique. Dans ce contexte, nous examinons la manière dont le Conseil des arts du Canada, pilier du soutien public aux arts, s’insère dans ces débats. Nous posons l’hypothèse que le Conseil, plutôt que de favoriser l’existence de discussions dans l’espace public, reproduirait plutôt la division sphère publique/sphère privée en renvoyant les débats vers des comités de pairs confidentiels et sans mandat ou formation spécifique.
        Nous argumentons que ce renvoi s’apparente à un processus d’évitement présentant un risque d’affaiblissement démocratique. Suivant les critiques formulées par Chantal Mouffe, nous formulons l’hypothèse que les débats ainsi refoulés pourraient favoriser la formation d’affects réactifs, susceptibles d’exacerber les divisions sociales plutôt que de les résorber. Nous affirmons en outre que cet évitement est symptomatique des modalités générales de gestion des antagonismes par le Conseil, sous la forme d’un participationnisme réduit limitant la circulation de la parole de la communauté artistique. Nous défendons, au contraire, que le maintien de cette parole dans l’espace public est essentiel à un déploiement démocratique des débats.»